Mon premier Ultra, CR Ultraks 2015


Le réveil sonne les réjouissances à 4h45. Ma nuit a été agitée, j'ai vérifié au moins 5 fois que j'avais pas loupé l'heure du réveil... C'est que depuis Embd où on loge, je n'ai pas le droit à l'erreur, je prends mon train pour rejoindre Zermatt ou alors je loupe le départ. Mais il faut le dire, une nuit d'avant course n'est jamais sans nervosité, je ne dors jamais très bien avant le jour J. Sans transition c'est parti pour le petit déj: tartines au miel, jus de fruit et thé noir comme d'habitude à mon menu pré-course. J'embarque mon gatosport dans un "tup tup", trop tôt pour le prendre maintenant. Tout a bien été préparé la veille, je n'ai qu'à enfiler mon équipement et endosser mon sac avec mes affaires de rechange. 5h20, je quitte le chalet sous un ciel étoilé comme on ne peut pas en voir à Nyon. Ca me fait sourire tellement c'est beau. Le croissant de lune démarque le contour des montagnes, l'air est frais, je profite de ce contexte apaisant sur les 10 minutes qu'il me faut pour rejoindre le télécabine par un chemin de randonnée pédestre. La descente vers Kalpetran dans une cabine 4 places en pleine nuit valait aussi le détour. Avec un début de journée pareil, je me dis que je vais me gaver de plaisir aujourd'hui!

A Zermatt vers les 6h30, il fait assez froid, je n'ai qu'une petite veste de survêtement et me dépêche de rejoindre la zone des coureurs toute proche de la ligne de départ. Il est tôt mais il y a déjà bien du monde. La majorité est déjà prête à partir. Je me pose à une table et termine mon gatosport, bois quelques rasades d'eau, et vérifie une dernière fois mon sac de course. J'hésite à en enlever mon coupe-vent et mes petits gants mais finalement je les garde. Je n'ai jamais couru aussi haut, je me dis que j'aurai peut-être froid à 3100m (laisse-moi rire!).

Je rejoins la ligne de départ 10 minutes avant le coup de feu et me retrouve dans le ventre mou du peloton. 469 hommes et 95 femmes sont prêts à suer pour quelques heures. Les cors des Alpes bercent notre départ, donné à 7h30 pile poil. Ca démarre lentement. Trop lentement à mon goût. Je dépasse du monde avant qu'on se retrouve en forêt mais c'est pas toujours facile, avec leurs bâtons certains sont parfois des dangers sur pattes. On quitte rapidement le bitume pour nous retrouver dans la forêt et la montée pour Sunnegga. On en a pour 6km de montée. Caché derrière notre ascension, le soleil éclaire d'une lumière toute douce le Cervin et le versant opposé de la vallée qu'il faudra rejoindre d'ici une trentaine de kilomètres. La montée se passe bien, je passe quelques coureurs mais prends garde à ne pas m'enflammer en restant dans ma zone de confort.

Au sortir de la forêt, voilà mon premier moment de bonheur. Il est 8h15, on rejoint un terrain plus clairesemé. Quelques arbres par-ci par-là, de l'herbe plus haute et les premiers plus gros cailloux nous accueillent. La dorure du parterre quasi automnale est amplifiée par une lumière magnifique, le soleil nous souhaite une belle journée...

Le Cervin depuis Sunnegga

Une lumière splendide

Rejoint le premier ravitaillement, je m'arrête pour faire quelques photos et faire le point par Whatsapp avec les amis.

S'en suit une bonne descente où je lâche les jambes et me fais plaisir. C'est bien moins fatiguant lorsqu'on arrive à se détendre en descente. Attention par contre à tout le temps bien rester vigilant parce qu'avec la vitesse, le moindre faux mouvement peut bloquer le dos ou déclencher une crampe (bon c'est un peu tôt dans la course pour en arriver là). A cette hauteur du peloton je vois bien que les autres coureurs gère moins bien les descentes, je les engloutis à pleine bombe. On fera chassé-croisé à plusieurs reprises. Oui parce que moi ce sont les montées où je performe moins.

Au pied de cette descente, c'est l'ascension vers le Gornergrat qui s'annonce. Je me réjouis d'y être, je n'ai jamais couru si haut! Il faut y mettre du siens par contre au vu des 1000m de dénivelé qui se profilent. La dernière partie est lunaire, on se retrouve sur la crête avec sur notre gauche le massif du Mont Rose, en face la pointe du Cervin et à droite, le Rothorn où se court la VZR (Verticale Zermatt Rothorn). L'air est agréable et bien que je ressente un petit mal de crâne, je me sens plutôt euphorique quand j'arrive au 2ème ravitaillement. J'aurai mis 1h18 à monter, soit quasi 20mn de plus que les meilleurs.

Sur l'arrête menant au Gornergrat, le massif du Mont-Rose en arrière-plan

Sur l'arrête menant au Gornergrat, le massif du Mont-Rose en arrière-plan.

Entourés de pas mal de touristes, je profite de bien me ravitailler et retrouve un traileur avec qui j'avais couru une partie du trail de la Pierre A Voir. On s'échange quelques mots et on se souhaite une bonne course, le sourire aux lèvres, bien conscients qu'on vit une journée magique.

Une bonne grosse descente, sans trop de difficulté, bien large mais parsemée de cailloux plus ou moins gros, je fonce. Le tracé doit rejoindre Riffelalp, soit 6km à -14.5%. Le corps encaisse bien, je prends un max de plaisir et en moins de 30 minutes me voilà au 3ème ravitaillement. Je prends un peu de bouillon en écoutant les cors des Alpes. Les concurents de l'Ultraks 30k nous rejoignent du coup il y a un peu plus de traffic au moment de repartir en direction de Furi.

C'est un peu handicapant à partir du km 23 où une descente plus technique commence. Je ronge mon frein par moment, force des dépassements à d'autres. On passe de rochers en rochers, des plaques de pierre lisses inclinées, des racines, tout ça semble faire peur à la majorité des coureurs qui m'entourent. Je me sens à l'aise et avale le plus vite possible ce segment que j'ai franchement adoré. Derrière moi j'entends une concurrente me commenter mes qualités de descendeur mais trop concentré, je ne prends pas le temps de lui répondre (elle parle en anglais, pas assez de cpu pour tout gérer non plus). La fin de cette descente nous mène à un vrai test pour moi qui subit le vertige. Le pont suspendu au-dessus des gorges de la Gorner, 90 mètres plus bas. On n'a pas le droit de courir durant la traversée. Je jète un coup d'oeil dans le vide pour voir si je me fais des idées avec ce vertige. Bon c'était une mauvaise idée, j'ai bel et bien le vertige et ce n'est pas le moment de jouer avec. Crispé du coup, je m'aggripe alors que le pont se balance avec l'avancée des concurrents. Autant dire que je suis bien soulagé d'arriver à l'autre bout. Mon petit cri en témoigne, les spectateurs réagissent en m'encourageant de plus belle. Ouf. Maintenant un bout en forêt super agréable, plat, rafraichissant.

Rejoindre le dernier tier de la course rime avec une fameuse montée vers Schwarzsee. En voyant le profil de la course on peut croire que la montée au Gornergrat est le menu principal en termes d'ascension. C'est faux. J'ai cru que j'allais m'évanouir. C'est trompeur, il fait chaud, c'est super exposé et on a plus de 25km dans les jambes. Honnêtement, je me suis demandé plusieurs fois durant cette grimpe si je n'allais pas abandonner une fois en haut. Finalement, en avançant en mode pilotage automatique j'atteins le ravito. Je m'y pose un bon moment, je mange du pain, du chocolat, des blévitas et bois plusieurs coca et bouillons (à mon grand dam aucun Tuc sur tout le parcours!). Je prends aussi de l'eau fraîche que j'utilise pour asperger mes jambes en plus de bien m'hydrater. Encore quelques flexions pour soulager mes jambes et petit à petit la forme revient. Je crois que c'est l'eau fraîche sur les jambes qui m'a fait le plus de bien. J'arrive repartir pour profiter d'une nouvelle belle descente. Je me mets à chantonner du Simon & Garfunkel, les gars que je dépasse doivent me prendre pour un taré.

Le mythique Cervin, visible toute la journée.

Le mythique Cervin, visible toute la journée.

Direction Stafel. Et là ce sont les souvenirs de la Haute-Route Chamonix-Zermatt qui surgissent. Reprendre une partie du chemin que l'on avait fait depuis la Schönbielhütte m'a enchanté, d'autant que je ne m'y étais pas attendu. Le contexte est maintenant un peu différent, on est dans une partie plus roccailleuse jusqu'à ce que ça remonte. On passe sur le dernier versant avant de revenir sur Zermatt. Je rejoins le dernier ravitaillement de Trift après une nouvelle descente avec pas mal de lacets, un petit risque de chute (je fais une frayeur à une randonneuse) et à nouveau une vitesse qui m'enivre. Je passe la distance marathon et entre dans un nouveau monde à ce niveau, celui de l'ultra! Il me reste une petite montée avant la longue descente qui mènera aux 48km de cette épique sortie longue.

La descente est agréable mais les lacets commencent à casser les jambes au bout d'un moment. Le mélange entre fatigue et de savoir qu'on y est quasiment m'endort, j'ai moins de rythme. Je me rends compte aussi dans la descente que j'ai fait une mauvaise manip avec mon iPhone, mon frère demande où je suis, je l'ai appelé sans le savoir... Je tente de le rassurer par message tout en courant. Après coup je me dis que c'était pas très malin de faire ça en pleine descente. Bref toujours pas de chute c'est l'essentiel et plutôt une bonne nouvelle au vu de mes derniers trails (oui je suis un peu maladroit, un peu casse coup par moments). Finalement la forêt se termine. J'entre dans Zermatt. Les premiers spectateurs et finishers encouragent. On arrive au centre par une descente pentue je laisse tourner les jambes, la foule grossit, les acclamations prennent de l'ampleur. Un virage à 90° et j'atteinds la dernière ligne droite. On se laisse volontiers porter par les cris du public, et là je vois mes potes qui crient mon nom. Trop content je tope leur main et me dirige tranquillement vers la ligne avant des les prendre dans mes bras pour une chaleureuse embrassade. Un vrai groût de bonheur ces trails.

Une météo splendide, un dénivelé casse-jambe mais digeste, une organisation sans faille. Ajoutons-y une bonne fondue fribourgeoise au chalet entre amis et vous avez là le parfait coktail pour me rendre assurément, HEUREUX.

Je termine 3h après le vainqueur en 7h45. J'ai subi 3 semaines à l'arrêt complet à cause de mon ventre qui en a (encore) fait des siennes fin juillet du coup, très content de terminer en bon état, sans bobo, avec encore une bonne énergie. Si je devais commencer à vouloir viser des temps il faudrait clairement améliorer mes performances en montée et me renseigner sur la gestion de courses aussi longue. Mais franchement, pour le moment c'est clairement pas ce qui m'attire. J'ai tellement de plaisir à profiter de la nature et de l'ambiance que le chrono n'est de loin pas une préoccupation.

Du gros bonheur pour un gros trail donc. Cette année j'ai la chance de pouvoir encore avoir 2 belles courses au programme alors rendez-vous pour de nouveaux récits tout bientôt!

Courir dans un cadre magnifique

Courir dans un cadre magnifique


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