Transvulcania

Depuis plusieurs années je salivais devant les clichés fantastiques de cette course. Voilà arrivé mon tour de pouvoir traîner mes runnings sur La Palma, île la plus à l'ouest de l'archipel des Canaries pour participer à la Transvulcania. Ultramarathon de 74km accompagné d'un dénivelé accumulé de 8407m...

Il se passe bien des choses sur 74km mais s'il fallait donner 3 moments forts de cette journée:

  • Voir les pécheurs quitter lentement le rivage, l'océan timidement illuminé par la lune dégage une grande paix avant le départ.
  • La vue sur la mer de nuages alors qu'on court les crêtes. Une bonne partie de la journée, on ne sait plus où donner de la tête, déboussolé par des paysages à couper le souffle.
  • L'ambiance d'un public passionné. Que ce soit au premier village traversé ou à l'arrivée, il faut y être pour comprendre la passion des espagnols pour cette course.

Pour un peu plus de détails, voilà la suite…


Les autocars arrivent les uns après les autres à Faro de Fuencaliente pour y déposer les coureurs provenant des hôtels de l'île. Les haut-parleurs crachent leur musique bien trop fort à mon goût. Je comprends qu'on veuille donner de l'ambiance mais j'aurais adoré démarrer cette journée simplement à admirer la lumière, l'océan tout calme et ces 3 bateaux de pécheurs qui s'évadent tout tranquillement. Un océan moins calme, garni de frontales, cogite derrière la banderole de départ alors que chaque coureur attend le coup de feu prévu pour 6h. 2000 valeureux, impatients de transpirer sur le GR131. C'est grisant mais je ne peux m'empêcher de trouver cette musique bien trop forte, pas assez réveillé peut-être.

Départ! L'obscurité entoure notre file de frontales. Impossible de vraiment courir tellement on est à arpenter ce sentier. Ça bouchonne et les embouteillages perdureront ici et là jusqu'au premier ravitaillement au village de Los Canarios. Ambiance de fou. Il est à peine 7h du matin, un samedi et pourtant l'ambiance est endiablée. Je profite de tout ça au moment d'empaqueter ma frontale dans le sac. A noter qu'on avait pris le temps de parcourir ce bout de l'île en courant dans le coin et c'était vraiment une bonne idée. L'obscurité ne nous a évidemment pas permis de profiter de la beauté du terrain que l'on parcourait et cet endroit vaut vraiment le coup d'oeil. L'océan, le sol volcanic noir, la roche rougeâtre. A voir absolument.

Si on a déjà fait plus de 700 mètres d'ascension, ça va encore monter un sacré moment. La sortie du village nous pousse dans la forêt. La lumière du jour pointe mais les rayons du soleil ne nous font pas encore le plaisir d'être de la partie. Au moment des premiers rayons qui transpercent les pins qui m'entourent, je ne peux m'empêcher de prendre un cliché. C'est beau, mais je ne sais pas encore ce qui m'attend. Quelques dizaines de mètres encore et voilà qu'on sort du bois et que l'océan apparaît, d'autres îles visibles au loin. La douceur de la lumière, le sol noir volcanique contrasté par ces arbustes jaunes. Obligé de reprendre une photo, un coureur sourit. Alors que je repars, on se met d'accord: on est gâté, c'est splendide!

Ca monte, ça monte!

Ça monte, ça monte!

Pendant quasi 18km on ne fait que monter. Des moments un peu plus roulables que d'autres mais dans l'ensemble ça reste costaud et fatigant. Alors qu'on démarre la descente et qu'à mon habitude je me retrouve entouré de coureurs moins à l'aise en descente je déboule et dépasse. La fatigue et les jambes lourdes, je me surprends à penser que le ravitaillement se fait vraiment désirer, je me dis même que je pourrais m'y arrêter et attendre l'arrivée d'Alain qui lui fait le semi. On pourrait se rendre à l'arrivée ensemble en bus et profiter des tapas… Non mais ça va pas? On n'est pas venu jusque-là pour abandonner au premier tiers! Voilà le ravito du refuge El Pilar (non sans avoir été dépassé par Rémi Bonnet, 1er sur la course du semi, sans bruit à toute bombe, alors qu'on monte un faux-plat avant la dernière descente sur le refuge), je prends bien mon temps pour récupérer. Savourant les morceaux de pastèques (yeah!), je suis tout étonné de voir un peloton partir quelques mètres plus loin. Mince! Le marathon part à 10h depuis le refuge, je vais devoir courir avec pas mal de coureurs autour de moi durant les prochains kilomètres.

Dommage mais bon mon envie de retour je m'en vais arpenter la suite de ce tracé qui nous emmène maintenant sur du chemin plus large pendant un long moment. Entouré de tous ces coureurs du marathon, un chemin large qui ne demande pas beaucoup de concentration, plus de vue, passage en mode automatique. Il faudra traverser encore un ravito avant que ça se remette à vraiment grimper. Heureusement, on entre alors dans une très belle forêt. L'humidité et le terrain empli d'aiguilles de pins et par endroits tapissé de mousse rend le moment assez féérique (3ème photo de l'insta ci-dessus). Le sol absorbe le son de nos pas, le chemin nous force à rester en file indienne, ce passage est encore dans mon esprit. C'était apaisant, rafraîchissant, je ne m'y attendais pas.

Ça nous prend 20 kilomètres de montée avant d'arriver au point culminant du parcours: Roque de los Muchachos. Pour y parvenir, on a eu d'abord la chance de sortir du nuage qui nous entourait pour retrouver la vue incroyable. Les nuages forment une couette dans laquelle on a envie de sauter, on parcourt sous le soleil un terrain plus aride. Par courts moments, on peut lâcher les chevaux, mais il faut souvent relancer et mes jambes commencent à clairement donner des signes de fatigue. Pas grave. Je savoure de nouveau plusieurs morceaux de pastèques au ravito, un peu de coca pour calmer mon bide aussi même si, enfin!, il m'a permis de profiter d'une course sans souci.

Passé ce ravito et ses observatoires astronomiques, il faut maintenant nous porter sur cette très longue descente de 14km. Au début pas de problème, j'admire même encore la vue magnifique sur la caldeira de Taburiente. C'est captivant de voir ces à-pics, cette roche qui passe des tintes noires à jaune, rouge. Donc pas trop dur au début de laisser tourner les jambes à la vitesse qu'elles veulent. Par contre plus on avance plus ça devient compliqué. Peu de répits, ça descend sans arrêt et je crains parfois de me pincer le dos. Très content d'avoir les bâtons avec moi sur ce coup. Ils m'aideront beaucoup. Mon allure baisse invariablement alors que mes jambes durcissent. Le tronçon final de cette descente est en fait le kilomètre vertical parcouru 2 jours avant. Elle mène à Tazacorte, une mignonne petite ville dont le port devient visible alors qu'on s'engage sur ses lacets très accidentés.

La descente sur Tazacorte, aussi belle qu'éprouvante

La descente sur Tazacorte, aussi belle qu'éprouvante

C'est pas facile pour moi. J'arrive plus vraiment courir, je vois la ville toute petite en bas, j'entends l'ambiance réchauffée et rêve d'y être à savourer un morceau de pastèque. Mais voilà il faut se prendre tous ces lacets. A force d'avancer on finit par y arriver et l'ambiance au pied de cette terrible descente est savoureuse. Un tapis bleu accompagne la fin du marathon, moi je continue et me rue sur les pastèques avant de passer par un rideau d'eau qui me fait un bien incroyable…

La partie descente est terminée. Plus qu'à… remonter à peu près 300 mètres d'altitude pour rejoindre la ligne d'arrivée. Au moins, maintenant je suis persuadé que je vais terminer et ça me fait bien plaisir. On foule la plage de Tazacorte pour ensuite rejoindre un canyon très sympa.

Dans le canyon avant la montée sur le village d'arrivée

Dans le canyon avant la montée sur le village d'arrivée

J'arrive à nouveau courir et je reprends quelques coureurs. J'en reconnais plusieurs qui m'avaient passé dans la descente. Ravi de ma forme, je grimpe jusqu'à Los Llanos avec entrain mais depuis Tazacorte ça m'aura tout de même pris 50 minutes. Suite au canyon, ce sont les plantations de bananes qu'on traverse pour nous retrouver en haut. Les cultures de bananes en terrasses. Nous on a le raisin, eux ce sont des bananiers, à perte de vue c'est très beau. Les premières habitations rejointes, quelques enfants s'amusent de nous voir passer. Les premiers sont arrivés il y a presque 6h! Malgré ça, le public est là et durant le long boulevard qu'on emprunte dans la ville, ce sont des centaines de Venga venga venga, cris et applaudissements qui nous acclament. Je prends un max de plaisir et me remets à vraiment courir et toper les mains des enfants, c'est trop bon! La douce lumière du soleil m'accompagne, je passe une banderole, fais un S et vois le chronomètre qui affiche au loin 12h50. Le tapis est orange pour nous sur le grand parcours, je le foule et la joie est décuplée quand je vois qu'Alain fait partie de ceux qui m'encouragent. Je vais le prendre dans mes bras avant de sprinter les derniers mètres qui me séparent de l'arrivée. Pas de bobo, un énorme plaisir d'être dehors parmi ces paysages splendides durant toute la journée, fatigué mais pas explosé, je suis heureux d'avoir eu la chance de voir ce que c'est cette Transvulcania.

12h50 de bonheur culminé par l'arrivée, toujours un grand moment d'émotion

12h50 de bonheur culminé par l'arrivée, toujours un grand moment d'émotion

Mon objectif était de faire le parcours en entier et de le faire dans la limite de temps imparti pour que ma montre puisse tout enregistrer. Ma Suunto réglée pour passer en mode signal GPS Good au lieu de Best, le réglage indiquait une autonomie de 15h. Le faire en 10h (GPS Good) aurait été sacrément ambitieux mais vu ma forme à l'arrivée, j'aurais peut-être pu tenter le coup. De toute manière, comme d'habitude, ces courses-là je ne les fais pas les yeux rivés sur le chrono mais bien sur ce qui m'entoure, occupé à me créer des beaux souvenirs. Et cette semaine à La Palma m'a sacrément gâté en l'occurence, que le retour fut dur! Les p'tits déj face à la mer durant des heures à refaire le monde, les ballades à travers des décors somptueux, les tapas et le tenancier à Los Llanos, la pluie à Tazacorte au moment de trouver une table, les souvenirs sont nombreux. Cette île est à voir et la Transvulcania permet de s'en faire une magnifique représentation.

Pour finir, voilà le film qui m'a décidé à m'inscrire pour cette année. Les images parlent d'elles-mêmes:

"The Island" - La Palma Time Lapse Video from Christoph Malin on Vimeo.