Marathon de Stockholm

Si tu veux courir, cours 1 km, si tu veux changer ta vie, cours 1 marathon.
Emil Zatopek

Ma maman m'envoie cette citation le lundi après la course, probablement dans le but de me remonter le moral... Voilà en quelques mots pourquoi.


Cette année, mon rendez-vous avec les 42km de bitume se tient en terre nordique. Stockholm, 4 juin 2016 pour être précis. Après le joie de l'année dernière à Barcelone, je ne résiste pas à renouveler l'expérience. De quoi poursuivre l'aventure avec la même équipe et retenter une qualification pour Boston. Si mon temps l'année passée m'ouvrait la porte à une inscription pour Boston, au final j'ai pas été pris pour 57". Pour garantir un succès je sais qu'un temps sous les 3h ferait l'affaire et me suis fixé cet objectif. L'entraînement dans ce sens se passe bien. Même si les sorties longues des derniers weekend avant le jour J n'ont pas été fameuses, ma confiance peut se baser sur un bon 20km de Lausanne, un gros mois avant la course.

J'arrive en Suède le jeudi depuis Bruxelles, 2 jours avant le départ. Le soleil et une chaleur étouffante m'accueillent alors qu'une partie de l'Europe plie sous un déluge jamais vu depuis cent ans. Heureusement, les prévisions météos prévoient une baisse des températures pour retomber à 18° et même quelques nuages pour samedi. Rassurant.

Fatigué du voyage, je prends tout de même le temps de trotter sur une petite boucle de moins de 10km, histoire de reconnaître une bosse du parcours qui me préoccupe depuis l'inscription. Le pont Västerbron. Il faudra traverser à deux reprises ce pont qui propose un dénivelé régulier et exposé au vent. Finalement, plus de peur que de mal, ce sera sûrement pas une partie de plaisir principalement sur le deuxième tour, mais ça devrait aller.

Cette petite reconnaissance faite, maintenant il faut que le restant de l'équipe arrive pour que je ne reste pas obnubilé par la course. Ca fonctionne bien mais leur arrivée tardive rime avec petite nuit de sommeil. Pas trop grave, en Belgique, j'ai bien pris le temps de me reposer d'autant que la veille de course se passe plutôt idéalement. Nous parcourons la ville à vélo, profitons des terrasses et autre terrain de pétanque avant de nous diriger vers le stade olympique pour retirer nos dossards. Petite surprise, nous ne trouvons aucun gatosport sur les stands de la foire. En demandant à droite et à gauche, on dirait que personne ne voit de quoi on parle... Un gars à un stand de produits nutritifs nous conseille de prendre des barres protéinées pré-effort à côté d'un bol de oatmeal, des boissons énergétiques et tout ira bien. Ok, bon un peu surpris mais on va faire avec.

Jour J

Le lendemain, bien reposé, je me réveille du bon pied. Toutes les affaires préparées la veille, c'est moins stressant de démarrer la journée en ayant qu'à sauter dans la douche et prendre son petit déj. Moins stressant mais n'empêche que la pression vient quand même. On fait ça pour le plaisir et pourtant on se stresse, pas forcément compréhensible mais c'est une sensation que j'aime bien et qui fait partie de ces jours de course. Comme le départ est à midi, on profite de déjeuner et de nous rendre sur la ligne de départ tous ensemble. Il y a un petit air mais aucune trace de nuage. Si la température a bel et bien baissé ce n'est pas la situation la plus encourageante, au soleil on ressent clairement plus qu'un 18°. Mais bon, on met les pensées négatives de côté et go.

Le métro bondé de coureurs, on envahit la zone du stade une heure avant le départ. Les blocs de départ commencent à se remplir. Je me détends comme je peux, quelques étirements par-ci quelques rigolades par-là. Vingt minutes avant le départ, je rejoins mon bloc et commence à trottiner. Quelques sprints histoire de monter le cardio devraient me permettre de démarrer directement au bon rythme. 11h50, je remonte le bloc pour me rapprocher du pacer 3h. Va falloir attendre 10 minutes avant d'en découdre. Au soleil. Lorsque l'air s'estompe, je sens que la chaleur est bien présente...

Feu départ! Les meneurs d'allure 3h démarrent une vingtaine de secondes devant moi. Vu la densité du peloton, le démarrage se fait de manière un peu chaotique mais tout va bien, je prends rapidement mon rythme. Je le prends tellement qu'il faut attendre le septième kilomètre pour voir un lap en dessous de la vitesse moyenne visée (4'16"/km sur 3h). Pire, mon obsession à rattraper et rester avec les meneurs d'allure me fait courir les kilomètres 10, 11 et 12 sous les 4'/km. Après coup, facile de s'en vouloir mais je sais que l'excitation de la course et l'ambiance me font faire ce genre de bêtises. Habituellement, je calque ma course sur personne, je fais mon plan avant et m'y tiens au mieux. Là, passé 10km, je me suis dit oublie les temps de passage et colle-toi aux meneurs.

Le peloton reste dense pendant bien des kilomètres. Le public en masse rend le parcours incroyable. Au kilomètre 15, je vois pour la première fois mes amis au bord de la route, revitalisant à chaque fois c'est barge. Peu après, vers le kilomètre 19, on entre dans la partie unique de la deuxième boucle, la verdure de Stockholm. Un mélange de campagne et de parcs où malheureusement pas un pet d'air ne se fait ressentir. Dans mon idée, je m'étais dit que cette partie me permettrait de récupérer un peu vu qu'on serait à l'ombre des arbres. Même si c'est vrai qu'on pouvait bien souvent en profiter, c'est en ressortant de cette partie au kilomètre 28 que l'air des berges me permet de me rendre compte que je venais de traverser une étuve. Je revois mes amis quelques mètres plus loin, ils me diront plus tard que j'étais déjà bien marqué à ce moment-là.

Au km 28, ça devient dur.

Au km 28, ça devient dur.

A peine plus loin, au kilomètre 30, je me mets à marcher. Mes jambes sont raides, plus d'énergie, j'arrive plus en avant. Passage aux toilettes et en sortant je tente directement de trottiner. Impossible de reprendre le rythme. Moralement c'est dur. Pourtant je ne me dis pas tout de suite que c'est foutu, je regarde ma montre et vois que j'ai pris un peu d'avance et donc me dis que marcher peut-être me permettra de mieux rebondir. J'ai toujours été un grand naïf. Ce n'est que vers le kilomètre 33 que je me dis que ça va pas le faire. Un peu avant le fameux pont, marchant à l'ombre, je me mets à crier ma rage. Les spectateurs tentent de m'encourager mais moi je switche, je passe en mode on-va-finir-cette-course-comme-on-peut. Plus loin, la montée menant au pont est le moment fort du parcours. Ambiance Tour de France, le public compacte portant pancartes et cloches scandent leurs encouragements. Au fil des mètres, les gens sont de plus en plus près de nous, on a l'impression d'arriver au sommet d'un col. C'est vraiment grisant. Un gars barraqué au milieu de la route encourage chaque coureur, je lui tope la main alors que je dois faire un peu peine à voir, mais je cours un peu là. Arrivé sur le pont, enfin de l'air, du vent même. Que ça fait du bien. Et surtout, des filles sont là pour nous asperger d'un liquide glaçant si besoin. Ni une ni deux, je me dirige vers elles et demande d'en mettre sur mes cuisses et mes mollets. COMME C'EST BON. Je ressentirai l'effet de ce truc pendant bien deux kilomètres. Ca suffit pas à me donner des ailes mais ça soulage un peu quand même.

La descente qui suit ne me permet même pas de courir pour de vrai. J'alterne marche et trotte. Pour que je marche en descente c'est vraiment que je n'ai plus grand chose dans le réservoir. Là on se dit, punaise j'ai envie d'être au bout et de prendre une bière. Mais on continue, on profite de chaque douche sur le parcours, on prend tout le liquide qu'on peut aux ravitos et on avance. C'est au 36 que j'arrive à hauteur de Anjer un espagnol. On s'est croisé plusieurs fois depuis le pont, j'essaie de me concentrer sur lui pour oublier un peu mes difficultés et lui lance un come on. Il lève le pouce et se met à trottiner, on avance maintenant les 2 et on fait un peu connaissance mais aussi bien lui que moi n'arrivons plus très bien à parler. Au ravito qui suit il me lache alors que moi je profite une fois de plus en marchant de boire de l'eau. Je ne m'asperge plus parce que maintenant j'ai limite froid à force de marcher je suis quasi tout sec maintenant et n'ai plus beaucoup d'énergie pour lutter contre le "froid".

Peu après ce ravito, je tente une énième relance et là je persiste. J'essaie de relancer encore un peu plus fort et sens que c'est de nouveau faisable. Le corps est une machine incroyable. J'en bave mais voilà que je suis capable à nouveau de courir! Evidemment pas à un rythme incroyable mais autour des 5'/km quand même, chose impossible il y a quelques minutes. C'est vraiment fascinant comme le corps peut retrouver des ressources. J'arrive de nouveau vers Anjer et l'encourage. Je lui dis de me suivre, il le fait un moment mais ne tient plus. Si je reste à ses côtés, j'ai trop peur de ne plus pouvoir relancer alors je continue. Je continue, je remercie les volontaires à chaque ravitos pour leur boulot, j'encourage chaque concurrent que je dépasse, je me focalise sur ce qui m'entoure et (re)prends plaisir à courir.

Voilà le stade en vue. Finir le marathon dans un stade est une première pour moi et je trouve ça génial. On commence par le contourner à l'extérieur et on y entre par un petit tunnel où une volontaire tope la main de chaque coureur en lançant ses encouragements. Je foule la piste d'athlé et à 150 mètres de l'arrivée je vois mes 2 amis dans les gradins au bord de la piste. Je vais prendre Denis dans mes bras, désolé d'avoir manqué mon objectif. Lui et Coco sentent bien ma déception et je repars vers la ligne, la gorge nouée. Je la passe en marchant finissant avec un temps de 3h23'30". Je reste juste après la ligne pour attendre Anjer. Deux trois minutes plus tard, le voilà et on se congratule et remercie mutuellement avant de se dire au revoir pour de bon.

Vidé, une volontaire souriante me passe la médaille autour du coup et là, l'émotion monte. Mes yeux sont inondés de larmes que je laisse couler sur mon visage. Jusqu'à la zone d'arrivée, j'arrive pas stopper de petits sanglots. Je n'essaie même pas d'ailleurs. Tout le monde a l'air heureux, tout le monde se félicite et moi je chiale, épuisé et déçu. Je voulais tellement réussir ce sub-3, je voulais tellement courir Boston que réaliser que c'est loupé me fait mal. Au fond je sais que ce n'est pas si important, je sais que j'aurai d'autres occasions. Mais n'empêche que je croyais être prêt.

Dans la zone d'arrivée, les yeux embués, le corps usé

Dans la zone d'arrivée, les yeux embués, le corps usé.

Qu'est-ce qui a coincé? Question difficile comme toujours sur ce genre de long effort intense, mais j'ai quelques pistes. Déjà je suis parti sur un rythme trop élevé. Pas de beaucoup mais facilement une dizaine de secondes au cours des 15 premiers kilomètres. Je suis persuadé que ça m'a entamé, d'ailleurs à Barcelone où tout s'était bien mieux passé j'avais au contraire réalié un negative split. Le soleil ne m'a pas aidé non plus c'est certain. Mais ce n'est pas un élément que je peux contrôler donc pas de regret de ce côté-là. Il y a aussi la question du petit déj, est-ce que c'était suffisant ce qu'on a pris? Pour un habitué des gatosports, je n'avais pas l'expérience des barres qu'on a prises mais à l'avenir je pense que ce serait plus sage d'emporter nos portions avec nous.

On peut retourner le scénario dans tous les sens, le résultat sera le même. J'ai appris grâce à ce marathon, j'ai vu ce que ça fait de vraiment coincer au 30ème mur ou non je ne sais pas. J'ai ressenti de sacrées émotions, des émotions qu'on recherche en se lançant de ce genre d'aventures. Pleurer m'arrive tellement rarement que ça me surprend quand ça m'arrive et j'en ai ressenti un sacré soulagement. Heureusement qu'il y avait les amis ensuite pour ne pas trop penser à tout ça et déprimer. Maintenant, je commence déjà à me réjouir de la prochaine tentative! Mais pour le moment, on va passer aux trails de montage...

Infos et bons plans

  • Le site du marathon de Stockholm si l'expérience vous tente.
  • La ville vaut la peine d'être parcourue à vélo, passer d'île en île se fait facilement, les pistes cyclables sont toujours présentes.
  • Bien manger: le Kvarnen propose une fameuse entrée de harengs, le SOS.
  • Chiller pas loin de l'eau: le Boulebar, pastis et pistes de pétanque vous tendent les bras mais y casser la croûte fait aussi bien plaisir.