Challenge de l'Atlas, mon CR de l'UTAT

L'UTAT c'est la possibilité de découvrir le Haut Atlas en courant. 3 courses possibles: 105, 42 et 26km avec la super bonne idée de faire une multi-étapes 42+26: le challenge de l'Atlas. C'est l'option que j'ai choisie. En voici mon compte rendu.

L'aéroport de Marrakech m'accueille le 1er octobre au petit matin. 10h mais il fait déjà bon, quasi 20°. On est directement pris en charge pour rejoindre l'Atlas que l'on devine au loin. Des navettes nous prennent par groupes de 20. Oukaimeden, notre camp de base à 2600 mètres d'altitude, se profile après une heure de route à travers de belles montagnes rouges.

Notre camp de base pour les jours à venir.

Notre camp de base pour les jours à venir.

Je prends mes quartiers dans la tente 15 et me dirige rapidement vers l'un des boui-boui pour assouvir ma faim. Une tajine, au soleil, en tshirt, face aux montages. Sourire.

L'organisation ne rigole pas avec le matériel requis sur la course. Pour récupérer mon dossard, je dois présenter mon sac de course et tout est vérifié. On me donne le dossard, le cahier de route et une bougie. Une bougie. Me voyant perplex, le gars m'explique que lorsqu'on utilise la couverture de survie, il va falloir utiliser cette bougie pour se garder au chaud. Laisse-moi rire, si j'allume ce truc sous une couverture de survie, je foutrai le feu à tous les coups! Bref.

Dossard récupéré, je profite du reste de la journée pour découvrir les alentours et me reposer. Je fais la connaissance de mon colloc de tente aussi; Markus de Bâle court le 105km. Petit gabarit, sec et costaud, il a couru le 101 de l'Eiger cette année. Il n'en est pas à sa première sortie sur ce genre de distance.

19h, l'organisation nous brief sur la course. L'air est clairement plus frais, on a sorti les doudounes.

Marathon de l'Atlas

Frontale en place, c'est à 6h du matin que le départ sonne. Julien Chorrier, Andy Symonds et autres stars pros du trail aux avants postes, on part tous ensembles sous un ciel étoilé. Le 105 et le 42km parcourent le même chemin sur les 15 premiers kilomètres. Ces premiers kilomètres se parcourent sur une large piste. Aucune difficulté. On commence par très gentiment monter jusqu'au Tirsafene et ses 3066 mètres accompagné de la lumière du jour qui doucement se lève. Le peloton s'est étiré et je me retrouve seul lorsque je rejoints la crête, le ciel violacé me permet de découvrir les montagnes qui m'entourent et d'apercevoir la plaine.

Cri de joie.

Avant d'initier la première descente, c'est le premier point de contrôle. Petites congratulations matinales, une ou deux gorgées d'eau de mon camelback et c'est parti pour la descente, toujours sur cette large piste. Aucune difficulté, ça endort ces lacets. Je m'arrête à plusieurs reprises pour admirer, prendre une ou deux photos. Un ou deux athlètes descendent derrière moi au loin. Je maintiens l'écart facilement jusqu'à arriver au premier village. Première petite chutte alors que je guette les balises marquant notre chemin. Rien de bien méchant, le gravier m'a brûlé un peu la peau mais on oublie vite. Je galère juste pour rester sur le bon chemin à travers ce village. Je m'en sors mais rapidement je me retrouve dans un champ, plus de balise et un concurrent vomit sa colère à gorge déployée (il me fait presque rire à s'énerver comme ça). Retour sur nos pas pour retrouver 200 mètres plus tôt nos chères balises mais il s'avère que je ne suis en fait déjà plus sur le tracé du 42km. Je ne le sais pas encore, mais je suis en train de "perdre" mon temps sur les mauvais sentiers. Un coureur du 105 me confirmera plus tard mon appréhension. Je me suis gouré, je dois rebrousser chemin. A ce moment-là je suis énervé, je cours fort, frustré parce que sur le début du parcours je me sentais super bien. Je ne fais pas ce genre de course pour un classement particulier ou même un temps précis tellement j'ai de la peine à évaluer ce dont je suis capable dès qu'il faut mettre en équation dénivelé, distance, altitude, pourcentage de pente, etc. Mais quand même! Bref. Je retourne vers le village, croise plusieurs coureurs du 105 et d'autres du 42 et challenge me rejoignent. On est un bon groupe à s'être trompé en fait. J'apprendrai plus tard, qu'au moins 2 concurrents ne s'en sont pas rendu compte et ont fini par abandonner. L'organisation avait prévu de positionner quelqu'un au point de séparation entre 105 et 42 mais voilà, cette personne n'était pas là. Et les balises étaient vraiment discrètes. Chaque parcours avait sa couleur: rouge pour le 105, bleu pour le 42 et rose pour le 26 le lendemain. Comme au départ on était 105 et 42 ensembles, on suivait tous les marques rouges mais une fois la séparation passée, il aurait été utile de marquer d'une croix bleue (couleur du 42) les premières balises du 105! Plus d'un en aurait été reconnaissant. D'autant plus qu'à certains endroits c'est exactement ce qui a été fait, les mauvais chemins étaient balisés d'une croix de couleur. Bref on oublie, je me console en me disant que j'aurais pu voir un peu plus du pays. Je cours à peu parès 4km de plus dans cette histoire.

Later, we hear a rumour that one of the boys in the village thought it would be a laugh to hide the marking stones and then direct runners the wrong way. Unsubstantiated, but it goes round camp like wildfire.

http://www.alicemorrison.co.uk/a-day-in-the-life-of-an-ultra-journalist/

Frustré. De retour au village, j'ôte ma petite veste, le soleil inonde maintenant la vallée et on est plus bas. Je suis bien chaud et on va continuer de descendre dans la vallée d'Ourika à travers villages, forêts, cours d'eau. Le terrain est plus technique, ça me plaît. Ma frustration passe et je retrouve le sourire quand j'entends des rires alors que je dévale la pente sous les précipitations de noix que récoltent des villageois. Ils le font à la manière de la récolte d'olives et toute la famille y participe c'est sympa à voir.

Au kilomètre 19 (23 pour moi), premier ravitaillement. Je rejoints la cour ombragée d'une petite bâtisse. Une volontaire me verse un verre de coca pendant que je lui raconte mes péripéties. Elle réplique toute souriante que je ne suis pas le seul et que ça fait partie aussi du trail. Je ne me décontenance pas et lui réponds que oui, ça peut en faire partie, mais on peut aussi améliorer les choses et là il y a une bonne marge. Sur ces bonnes paroles et le plein de fuel, je quitte cette halte pour m'attaquer à l'ascension de 1200 mètres du jour.

La pente est plutôt régulière. On croise ceux du 105km qui descendent sur ce pan. Petit salut à Markus au passage, il est encore tout frais c'est bon pour lui. Rejoint le hameau de Iabassene, le soleil tape dans le dos. Le début de l'ascension s'est faite à l'ombre d'arbres maintenant c'est fini, plus d'arbre. Plus on monte, plus c'est compliqué de garder un rythme. Je subis l'altitude. Nicolas, un toulousain m'accompagne une bonne partie de cette montée. On papote. Toujours à l'affût des balises (il s'est aussi trompé de chemin à la bifurcation du 42km), on grimpe mais il fini par me lâcher. Pendant la montée, je passe Adi avec qui j'ai causé sur la ligne de départ. Marocain de Casa, c'est sa première course. Il est en training coton, chaussures de course citadines, sac à dos d'école, il est dans le dur mais reste souriant. Je lui souhaite bon courage pour la suite en le dépassant alors qu'il me souffle qu'il ne pensait pas que ce serait aussi dur. C'est vrai que cette montée est mortelle... Au sommet, des chèvres savourent le soleil et le patûrage. On est à 3200 mètres. Je m'arrête quelques instants au point de sécurité et échange quelques mots avec la fille en poste. Elle me propose de me reposer sur l'un des matelas posés au soleil. Tentant mais je décline l'offre. Trop peur de ne pas me relever. D'autant plus que je me connais, la descente va me requinquer c'est sûr.

Je finis ma barre protéinée, avale quelques rasades et c'est parti! Un petit vent me pousse à dévaler cette pente. Je mange les lacets, saute les cailloux et reprend rapidement Nicolas. On se reverra à l'arrivée. La descente me fait du bien. Elle me redonne le sourire quand entre 2 virages, je passe devant un berbère qui s'est posé là avec une mule et quelques bouteilles de coca et de sinalco dans un panier. Il se serait posé dans la montée quelques kilomètres plus tôt que je lui en prenais, là je fonce. A peine dépassé, c'est un groupe de randonneurs que je rejoins et lorsque le dernier de la file commence à m'entendre débouler, il se retourne et amorce une salve d'applaudissements. Avec ses amis, ils se déportent à côté du chemin, crient et m'encouragent. Trop cool. Passé une petite butte, c'est un gazon vert digne d'un green de golf qui déroule sous mes yeux. Poser les pieds là-dessus fait trop du bien.

Mmmmm, un bon petit tapis de gazon rembouré

Mmmmm, un bon petit tapis de gazon rembouré

Avant de rejoindre le deuxième point de ravitaillement, je me retrouve sur une piste, la descente est finie. Pas sûr de mon chemin je vois 3 enfants plus loin qui me font signe, je cours vers eux quand je comprends qu'ils me disent que le parcours va dans leur direction. Quand je les ai rejoints, les 3 se mettent à mon niveau et courent. Le plus petit qui n'a pas plus de 6 ans rigole et accélère un peu. Je joue le jeu en tenant le rythme, les 2 plus grands accélèrent à leur tour. On rigolent tous les 4 alors qu'on continue d'accélérer jusqu'à sprinter. Je comprends alors que je dois sortir de la piste pour faire la dernière descente avant le village. Je tope dans leurs mains, leur donne une barre de céréales et les quitte un grand sourire aux lèvres.

Le deuxième point de ravito est à Tachedirt, un petit village au pied de la dernière ascension. Accueilli avec du fromage, jambon, chips et autres boissons fraîches, ça fait trop plaisir d'être là. On me remplit gentiment mon Camelback et me souffle que d'ici 2h je serai à l'arrivée. Je me pose sur un banc et papotte pendant quelques minutes. Même si je ne vois pas toute la montée, je sais que j'en aurai pour un moment et il fait plus chaud maintenant. Pas super pressé de repartir surtout qu'ils sont vraiment sympas ici.

Finalement, poussé par leurs encouragements, je décolle. Le terrain est plus pierreux ici, la montée se passe bien. La pause m'a donné du peps et je monte sur un bon rythme, je me dis rapidement que Nicolas ne devrait sûrement pas me reprendre. Surtout que maintenant, au loin j'ai un lièvre! T-Shirt vert fluo, cet appât me motive durant toute la montée. Je me rapproche petit à petit mais ne recolle pas. Au col, point de contrôle, je prends quelques gorgées en échangeant quelques mots avec les 3 personnes de l'organisation qui sont là. Ils m'expliquent que demain je repasserai par ici pour la Virée d'Ikkis. On va déjà finir cette journée. Penser à demain c'est pas la meilleur idée, il me reste 5km de descente à peu près.

Descente facile, je vois toujours le t-shirt vert à bonne distance. J'appuie un peu et finis par le rejoindre. Sur ces talons, je sens que lui baisse de rythme. "On termine ensemble?" que je lui lance. "OK. Mais je vais pas vite." Pas grave, fatigués, on ira plus vite ensembles à se tirer l'un l'autre que si on fait foullées à part. T-Shirt vert vient de Zürich et c'est sa première course du genre. On poursuit comme ça à faire un peu connaissance en traversant quelques fois, un cours d'eau, on foule maintenant un large valon qui nous mènent d'un faux-plat descendant vers notre point de départ. Ou d'arrivée en l'occurence. On retrouve le bitume pour quelques centaines de mètres avant de visualiser notre camp et la banderole d'arrivée. Il fait beau, chaud, les membres sont tendus et fatigués mais on y est. Je termine en 8h et des poussières, bras dessus bras dessous avec T-Shirt vert. Que j'aime ce déluge d'émotions à l'arrivée de longue course. Sentiment d'accomplissement, sérénité, étonnement, soulagement, grosse fatigue, je ne sais pas vraiment ce qui me botte le plus mais j'adore, c'est assez bouleversant.

T-Shirt vert et moi dégustons le pique-nique distribué aux finishers, affalés contre la banderole d'arrivée. Crevés mais heureux.

Virée d'Ikkis, 26km

Au soir du marathon, la fatigue me remet en question. Serai-je capable demain de courir 26km? Je me le demande sincèrement mais me repose sans trop m'inquiéter, les magnifiques paysages et rencontres du jour défilent dans ma tête.

Je peine pas du tout à trouver le sommeil par contre le mal de tête a fait son retour au soir. Un bon dodo et tout ça n'est que mauvais souvenir.

Ankylosé mais le corps reposé, je comprends aux premières intonnations de mon réveil que je vais pouvoir courir aujourd'hui. Je reste dans mon training et ma doudoune pour rejoindre la tente et le p'tit déj, j'émerge doucement mais me sens tellement bien. Très peu de monde pour déjeuner, je m'attable avec un coureur qui en a terminé avec le 105. Il vient d'arriver qu'il me dit. Il a pas l'air trop éprouvé, ça m'épate. Perso pas du matin et lui sans doute fatigué de son périple, on n'est pas très loquace.

Bien que confiant que je finirai ma course, je sens que ça ne va pas se faire tout seul. Dans la zone de départ, je me positionne tout en queue de peloton.

Départ sur les coups de 9h si je me souviens bien et donc on reprend le chemin qui avait été le finish du 42. Sachant ce qui se profile, je remonte petit à petit quelques coureurs. Ce faux-plat permet de reprendre gentiment mon rythme. C'est parfait.

Faux-plat récupérateur pour se mettre dans le rythme

Faux-plat récupérateur pour se mettre dans le rythme

Au col, j'enlève ma veste. Je suis bien chaud maintenant et la descente sera assez longue, j'ai envie de me sentir libre tout de suite. Bien chaud mais moins alerte que d'habitude, la fatigue tout simplement. Je croque une barre, avale 2 gorgées et c'est parti pour la descente qui part en lacets bien serrés. On nous a averti, ne pas suivre les marocains sur cette partie qui seront meilleurs de toute façon. Les marocains sont déjà loin à l'heure qu'il est mais c'est pour dire qu'il ne faudrait pas prendre cette descente de haut. Mes jambes déroulent bien, je prends facilement de la vitesse. Quelques glissades par-ci par-là mais sur ce terrain fait de terre sablonneuse et très peu de rochers je me dis que c'est normal. Je maîtrise.

Jusqu'au moment où je ne maîtrise plus.

Je butte sur un rocher et passe en avant. Impossible de redresser je bascule alors sur le côté et frappe le sol prenant un rocher de flanc. Relevé illico, je constage les dégâts. Le genou saigne, je tremble suite au choc mais ça va aller. Ce qui n'est pas contaté par contre c'est que dans la chute j'ai perdu une gourde. Affaire à suivre... La trousse de secours à la rescousse je désinfecte et respire profondément pour calmer les tremblements. 2 nanas me passent, l'une sans me dire M et l'autre me lançant un "aller courage". Sur le moment j'aurais apprécié un peu plus de préoccupation mais ça passe de suite quand un british dévale et me crie "how are you, do you need help?". Je réplique "That's fine" en souriant, content que quelqu'un fasse attention à moi.

C'est reparti. Les premiers pas sont clairement hésitants, je dois me rassurer et ça prend quelques centaines de mètres. Mon genou pique et peine à fléchir mais la foulée prend petit à petit de l'assurance. Je repasse le british et ai en ligne de mire "aller courage". La descente est bien souvent sur des pans en dévers et je dois dire que ça met à mal mon genou.

La confiance retrouvée, je débarque au deuxième point de contrôle (à Tachedirt, dernier ravito du marathon). Une fille de l'organisation est surprise de voir des coureurs aussi vite. Bon je dois pas être trop mal alors, c'est cool. Passé ce point, le parcours devient plus roulant, techniquement plus facile. Je reprends "Aller courage!" mais n'arrive pas la lâcher complètement. On perd du temps avec elle et un marocain à Ikkiss. On a perdu les balises. Fatigué avec ces histoires, je mange un peu, regardant derrière nous profitant d'un surplomb pour apercevoir un coureur. J'en vois un qui entre dans le village et qui reste en bas. Au même moment, les autres me font signe qu'il faut bien redescendre. Je les rejoins et finalement on retrouve un petit groupe de portugais. C'est reparti pour un long et éprouvant faux-plat jusqu'au seul ravitaillement du jour.

C'est une dizaine d'enfants qui nous accueillent à Amskere. Ils jouent, acclament, crient tout sourire. Je rigole en topant leurs main et me rue pour remplir ma poche d'eau, ingurgiter coca, chips et abricots secs. Je retourne alors vers les gosses pour leur dire bonjour, je leur demande si ils veulent bien que je les prenne en photo. Tout fiers, ils me disent que oui. Un des gars du ravito me propose alors de me prendre avec eux. C'est avec plaisir mais que c'est pas simple de fléchir mes guiboles!

Aller encore un verre de coca. Je me décide à repartir quand Markus m'appelle dans mon dos. Whaou, il n'est toujours pas arrivé le pauvre. Il sort de la tente, et me dit que la nuit a été très dure. Je l'aide à remettre sa poche d'eau dans son sac et l'encourage. Il y est presque, plus que la dernière ascension!

Je repars, cette fois-ci "Aller courage" m'a bel et bien largué. Elle est repartie illico après avoir bu au ravito et prendra la 2ème place du classement final femme de la virée d'Ikkiss. La montée est faite de caillasse jusqu'au point de contrôle suivant. Je m'y arrête 2 minutes pour papoter un peu. Les médecins me demandent comment va ma jambe et me laisse repartir sans appréhension. Je n'ai pas fait remplir ma poche d'eau pensant qu'elle devait être encore passablement remplie mais ça fait déjà un bon petit moment que j'ai perdu ma gourde du coup le niveau d'eau du sac baisse vachement plus vite! Je m'en rends compte plus tard, alors que le soleil tape fort, que j'avance mes mains poussant sur les genoux. Plus d'eau! Pas trop grave je me dis, le sommet n'est plus qu'à 2 kilomètres à peu près. Ce côté de la montagne est orné de genévriers, d'aspect vieillis et tordus. Leur ombre au moins m'aide à ne pas trop paniquer de mon manque d'eau.

Le rouge des montagnes et ces arbres rabougris me font plaisir à voir!

Le rouge des montagnes et ces arbres rabougris me font plaisir à voir!

Tranquillement je monte quand je vois tout à coup un marocain affalé sur une pierre. Les yeux fermés, la bouche à moitié ouverte, j'ai de la peine à comprendre comment les gars qui me précèdent ont pu passer sans s'arrêter. Je l'interpelle et lui demande comment il se sent. "Oui". Si il a mal. "Oui". Où ça. "Oui". Il répond "oui" à toutes mes questions. Ca mène à rien mais je me vois mal le laisser là en plan. Je lui dis de rejoindre l'ombre avec moi. On s'asseoit un peu plus haut sous un arbre et je lui demande son nom, je regarde son dossard et tente d'appeler l'organisation. Il proteste mais je l'ignore. Pas de réception. Une coureuse passe, je lui demande si elle a un téléphone. Pas de réception qu'elle me retourne sans même jeter un oeil à son portable. Ok. La voyant poursuivre son chemin sans même baisser de rythme je lui dis d'avertir l'organisation au sommet et de faire venir de l'eau. Je dis à Yussef qu'on va y aller ensemble petit bout par petit bout. "Merci mon ami" qu'il me retourne. On est très vite "l'ami" des marocains. Je finis par atteindre le numéro de l'organisation et tombe sur le répondeur. Je leur explique la situation et on poursuit notre parcours.

On se pose à un moment les deux et face à nous, des centaines de mètres plus bas, c'est le désert qui s'étend à perte de vue. A l'ombre, il ne nous manque que de l'eau pour apprécier la situation en toute décontraction.

On rejoint finalement le sommet, il n'y a plus de genévriers ici mais une bouteille d'eau gît esseulée sur le chemin. Personne de l'organisation n'est présent. On se désaltère donc à grandes gorgées Yussef et moi en profitant de la brise rafraîchissante. On voit l'arrivée depuis ici, c'est peut-être ce qui revigore Yussef. Je pencherai plutôt pour l'eau. Il me dit d'y aller.

Je le suis et il prend de suite un bien joli rythme. En effet, l'eau a dû faire du bien. On amorce la descente et il se retourne en me tendant un mentos, "tiens mon ami". J'accepte en le remerciant. Avec ses chaussures pas du tout adaptées, son sac d'école décathlon et ses jambes toutes fines, je suis touché par sa générosité. Ca me fait plaisir de me dire que, comme hier, je vais terminer la course aux côtés d'un coureur avec qui j'aurai partagé un bout de chemin.

On rejoint la route, la traversée d'Oukaimeden se fait sous les encouragements épars petit à petit plus étoffés à mesure que l'arrivée se rapproche. Tiré par Yussef, on retrouve quasi les 12km/h au plat, les jambes tirent bien.

Le derner virage avant la banderole, mon pied vrille sur le gravier et je m'étale de tout mon long. Souffle coupé, sur le dos, j'ai mal et j'en ai marre! Un marocain du public vient de suite m'aider à me relever et je le remercie tout étonné de constater que Yussef a continué son chemin sans même m'attendre ou m'aider. Merci. C'est cool. Enervé, endolori, je rejoins l'arrivée sur les nerfs après plus de 4h d'effort. J'envoie balader le volontaire qui veut me donner mon picnic de finishers. Mes mains pissent le sang, je tremble de nouveau et Yussef s'est évaporé.

Voyant 2 personnes endosser un gros sac à dos, des radios aux mains je leur demande si par hasard ils partent pour s'occuper de Yussef, ils me disent que oui. Il est là, à quelque part je leur explique. Je ne le reverrai pas mais on me racontera plus tard, qu'il a été retrouvé atablé mangeant tranquillement dans la tente de l'organisation. Vraiment pas cool de terminer comme ça, mais le soleil, les massages et le couscous me redonneront bien vite le sourire.

Ce challenge de l'Utat aura vraiment été ça pour moi. Un challenge. Je finis ces 2 jours explosé. L'altitude je crois a été la variable la plus terrible parce que je pense qu'une telle distance me poserait moins de difficulté chez nous en Europe. On n'a pas de course se déroulant d'un bout à l'autre à de telles altitudes. Difficile d'avoir des repères avant de venir ici.

Lorsque je retrouve Markus dans notre tente, il me confirme que pour lui ça a été une course terriblement difficile. Du jamais vu. Les paysages aussi étaient du jamais vu pour moi. C'est pas chez nous qu'on passe des montagnes rouges, noires, même violettes par endroits. Des forêts, des cours d'eau, le désert à l'horizon, non je crois que je ne reverrai pas de si tôt un tel mélange. L'Utat est un excellent moyen de découvrir le Haut Atlas et je ne pourrai que le recommander à qui veut expérimenter les grands espaces, du trail à l'état pur (presque de la course d'orientation ;) le tout dans une ambiance conviviale sans un peloton immense comme parfois en Europe. Par contre, une acclimatation sur place de quelques jours aidera certainement beaucoup. Andy Symonds était par exemple sur place durant la semaine précédente à trekker en famille. Certainement une très bonne option pour optimiser son expérience.

Bref. Encore un superbe moment trail, je me réjouis d'expérimenter la suite!


Pour aller plus loin