Livigno Skymarathon

Quelle chance de vivre une région si belle. Participer à une course, c'est aussi une occasion de se faire ce genre de piqûre de rappel. Traverser la Suisse, les Grisons en particulier, donne cette opportunité de renouveler son admiration pour ces paysages magnifiques, si proches de chez nous.

L'occasion d'un road-trip à travers les Grisons, ici le Piz Bernina, le 4000 des alpes orientales

L'occasion d'un road-trip à travers les Grisons, ici le Piz Bernina, le 4000 des alpes orientales

Facile de s'habituer aux terrasses italiennes accompagnées de Spritz, pizzas et autres tiramisus. Ajoutez une vue sur les montagnes, à 360° pour me combler. Livigno, on s'y fait donc vite même si j'ai été surpris par la taille de ce "village" de montagne. On est loin du petit coin sauvage, reculé et déconnecté. Non ici les magasins sont pléthores, c'est clairement une zone touristique fréquentée.

Arrivés le jeudi en fin d'après-midi, je récupère mon dossard accompagné de ses goodies de course. Italie oblige, on reçoit non seulement des pâtes mais aussi une bouteille de vin et un hoodie. Le parcours affiché sur le mur confirme le changement pour cette édition. Suite à un hiver fourni, on ne peut suivre le parcours habituel. Trop de neige, trop dangereux. Prétexte pour revenir faire un tour l'année prochaine? On verra tout ça, moi je repars avec mes goodies, tout content de recevoir ces petits cadeaux et trépignant de parcourir ces monts qui nous entourent. Frais breuvage pour fêter cette joie avec ma maman qui m'accompagne ce weekend. Une belle assiette melon jambon de parme tiens ça fait plaisir aussi. Ce coin est parfaitement adapté pour moi car j'y trouve un super terrain de jeu bien que je préfère un peu plus sauvage, ici les pentes sont tapissées de remontées mécaniques quel que soit le versant. Mais d'un autre côté c'est top car ma maman y trouve aussi son lot grâce à toutes ces boutiques et ces restaurants. Les remontées donnent aussi la possibilité de se ballader pour quelqu'un de pas trop sportif comme elle. Quoiqu'il en soit, je suis impatient!

Un bon plat de pâtes le soir après le briefing plutôt longuet (présentation de quelques athlètes pros, directives en italien et en anglais) et ensuite je prépare mon sac, un tout nouveau ultimate direction, avec grande excitation. Le parcours est remanié mais reste alléchant: 32km 2600m de D+ avec des crêtes et des passages dans la caillasse entre-coupé par une portion munie de chaînes.

La chaleur dans notre chambre m'empêche pas de dormir suffisamment, je me sens frais au réveil. Toujours cette excitation d'avant-course, particulière et affectionnée. Mon petit-déj reste simple, un athlète me demande quel parcours je fais. Lui et son ami sont sur le 17. Dommage que je ne sais pas produire une seule phrase en italien, ici c'est une barrière, tout le monde ne se débrouille pas forcément en anglais. Je savoure mes tartines de miel et mon café alors que je vois certains athlètes rejoindre le départ. Notre hôtel se situe à quelques centaines de mètres, très bien situé, bonne cuisine et confortable, je peux que le recommander, on s'y est très bien sentis.

Je remonte chausser mes grolles, endosser mon nouveau sac veste ultimate (avec système de fixation intégré pour les bâtons, très sympa) pour finalement rejoindre la ligne de départ. Le ciel est partiellement couvert, la température agréable. Certains athlètes sont hauts en couleurs, des italiens je crois, avec des tenues fluos rose, jaune, vert. Ca flashe et c'est cool. Dans le bloc de départ, l'ambiance est agréable, la speaker fait ses derniers rappels concernant la matériel obligatoire (sommairement vérifé au moment d'entrer dans le bloc de départ) et vient alors le compte-à-rebours. Paisible, j'observe les différents spectateurs, certains à leur balcon, d'autres aux abords de cette rue principale qui va nous voir tous défiler à toute vitesse après le coup de départ.

A toute vitesse, je vous dis. On fait du 15km/h pour démarrer cette course de 32km avec 2600m de D+. Moi ça me plaît toujours autant la vitesse, mais quand même ça fait drôle. Un côté sympa avec cette course, c'est qu'on arrive au même endroit d'où l'on part. Une belle boucle en montagne. C'est à cette vitesse que le peloton s'étire tout gentiment, on traverse le village, on longe le cours d'eau qui se jètera plus loin dans le lac de Livigno pour finalement rejoindre la première montée. Elle arrive comme un soulagement pour moi car je sens que mon ventre n'a pas apprécié des masses de partir sous les chapeaux de roues, je l'avais pas trop préparé à démarrer les hostilités en mode marathon. Cette première ascencion nous permet de suivre le mode habituel queue-leu-leu, souffle et allure câlés sur mode on gère. A mesure qu'on monte, la vue se dégage. Après une première section en forêt, on aperçoit le village d'où on est partis, et de l'autre côté la prochaine grosse ascension. Mais avant il faut atteindre le sommet de cette butte et redescendre dans son dos. Le village est à 1800 mètres, le sommet 2400. Début raisonnable. L'air vivifiant des crêtes me permet d'accélérer, je reprends quelques camarades de jeu et amorce la descente vers le premier ravito. Ca rigole pas par endroits, c'est bien raide. Entre le bide qui fait des siennes et mon genou qui grince, je rejoins le ravito ravi mais préoccupé, je fais déjà une pause. Entre limiter les dégâts et jauger l'état de la machine, je repars tranquille après un ou deux coca et quelques friandises.

Parti à fond les manettes, mes traits déjà tirés après la première petite ascension.

Parti à fond les manettes, mes traits déjà tirés après la première petite ascension.

La suite est un faux-plat descendant parsemé de bosses jusqu'à l'embouchure du lac de Livigno. On parcourt le flan de la montagne qu'on vient de gravir, parmis les pins et la roche calcaire. Je reprends du poil de la bête avec ces odeurs que j'affectionne si fort. Sur le plat du bord du lac, je reprends du monde et me croche à la foulée d'un collègue. On croise quelques randonneurs dont un volubile nous lance avec enthousiasme un flot de paroles. J'y capte rien, forcément, et lui demande ce qu'il nous a dit. Il m'explique, "ne regardez pas en face ce qu'il vous attend!". Aha, c'est vrai, la prochaine montée semble plus demandeuse.

Mais avant de s'y attaquer, on remonte le même ruisseau que tout à l'heure pour rejoindre un pont en bois qui nous permet d'enjamber le cours d'eau. Sur l'autre rive, on peut se diriger vers la montée pour Il Motto, mais ravito avant. Je repars tranquille après ce nouveau répit.

Cette grosse montée évoquée par le randonneur est celle qui nous mène aux points hauts de la course. Elle est longue. J'ai le moral, je me fredonne des airs que j'aime et j'avance tranquillement. Il pleuvine alors que le ciel semble dégagé, ambiance sympa. Nouveau ravito à un refuge, un peu avant d'arriver dans la caillasse. Je savoure la vue, me restaure et repars tranquillement, seul pour les 500 mètres de dénivelé qui nous séparent encore du sommet.

La dernière partie se franchie au moyen de chaînes, ça bouchonne un peu mais voilà la crête. Un bénévole posté là, la banane au visage m'encourage à continuer comme ça. C'est cool, ça fait trop plaisir. Quelques mètres plus loin, à la vue des sommets, mes pas maintenant dans la neige, je crie ma joie. Quel plaisir d'être là! Je reviendrai volontiers pour faire le parcours normal, c'est tellement beau là-haut, sauvage. C'est par là que je retrouve sur mon chemin Alexis Berg, co-auteur du magnifique livre Le Grand Trail. Arrivant à sa hauteur, je lui lance que j'aurais dû prendre mon exemplaire pour une petite séance de dédicace. Je me pose à côté de lui un moment pour savourer l'endroit et échanger 2 mots avec lui. Il est monté jusque-là avec tout son matos juste après le départ. Physique comme métier ça aussi. Il m'offre un carré de choc, merci!, et je repars savourer la suite. Surplombé par une belle pointe, on franchit un passage exposé avant que la descente s'amorce. Raide de part et d'autre, il faut pas trébucher mais ça passe plutôt facilement et si besoin une corde est présente pour rassurer.

Pour de vrai, quel plaisir d'être là.

Pour de vrai, quel plaisir d'être là.

La descente se fait en grande partie dans la neige ce rend les festivités d'autant plus fun. Je m'amuse bien et savoure pleinement le côté sauvage des coins où l'on passe.

Passé la neige, on retrouve les cours d'eau, les rodhos, les prairies. Dans la montée suivante, en forêt, je loupe un virage et emmène avec moi un autre coureur. Arrivé au niveau de la dernière portion de la descente finale de notre course, je me rends compte de mon erreur. Une fille me confirme que la course doit d'abord passer par le sommet avant de venir ici. Je rebrousse donc chemin (celui que j'ai emmené lui va direct sur l'arrivée). Lorsque je retrouve la forêt, je vois non pas un mais 5 fanions alignés indiquant la direction de la course. J'en sourie tout en immortalisant tout ça par un cliché.

Bon maintenant faut continuer de monter. Quelques coureurs à quelques dizaines de mètres. J'appuie mon pas pour les rejoindre. Ca prend bien trop peu de temps pour les reprendre, ouai bon, les gaillards sont un peu mou de la guibole. Faut dire qu'on court depuis passé 4h maintenant. Avec ce détours j'ai perdu une vingtaine de minutes dans l'histoire.

Cette montée m'entame. Au prochain check de la puce, je demande à la dame combien il reste avant de redescendre. Elle me dit, "un petit peu". Je me raccroche à ça mais le "petit peu" me paraît une éternité. Le ravito du haut sonne la fin des dénivelés positifs. J'en suis ravi, maintenant j'ai envie d'un bon perrier menthe en terrasse tiens. Mais il faut encore descendre et on s'est sacrément éloigné de Livigno!

La dernière portion s'amorçe par un long plat et je me rends compte que mon genou devient de plus en plus douloureux. On se relaie avec 2 autres coureurs mais lorsqu'on arrive au virage qui démarre la descente pour de vrai, je m'arrête. Ils me demandent si tout va bien, je fais signe que oui et les laisse filer. Je crains de ne pas voir l'arche d'arrivée tout de suite... Moi qui aime tant les descentes, c'est une torture de devoir m'arrêter si souvent pour masser mon genou, faire quelques flexions soulageantes. Me voilà forcé de raboter mon plaisir à la descente. Du coup je me concentre sur ce qui m'entoure, ces rhodos, ces pins, la vallée, la journée est magnifique on va pas commencer à se plaindre ou quoi! Je retrouve la descente que j'avais atteint en m'égarant du parcours. Je m'aide toujours plus fort de mes bâtons pour descendre, mon genou me faisant mal, toujours plus mal à la descente. Par moments je descends en faisant des pas chassés, comme une balerine… ou pas. J'entends l'animation d'arrivée maintenant, il me presse d'y être et de retrouver nos terrasses affectionnées. Enfin en bas, je n'ai plus qu'à parcourir une longue rue du village qui mène jusqu'à l'arrivée. Mon pas s'accélère, mon genou ne souffrant plus vraiment sans dénivelé.

La ligne d'arrivée franchie, mon bonheur bien présent, je me rue sur les denrées du ravitos. Ma montre indique quand même passé 6h d'effort, je m'attendais pas à faire si long! Il fait bon, je me dirige vers les bistrots et y retrouve facilement ma maman où je l'obtiens enfin mon perrier menthe! Ils n'ont pas de perrier hélas mais la satisfaction est belle et bien présente. Que c'est bon ces moments.